19 août 1648 : Arrivée de Catherine de Saint-Augustin à Québec
Après presque 3 mois en mer dans une traversée pénible, le navire « Le Cardinal » accoste enfin à Québec le 19 août 1648, avec à son bord la plus jeune religieuse arrivée au pays, sœur Catherine de Saint-Augustin, qui eût ses 16 ans le 3 mai, quelques temps seulement avant de partir pour le « nouveau monde » le 31 mai. Les conditions de la traversée, déjà difficiles, furent empirées du fait d’une épidémie de peste qui causa plusieurs décès. La jeune Catherine fût elle aussi touchée par l’épidémie, mais en guérira par l’intervention miraculeuse de la Vierge à son endroit, qui lui dira : « (…) on te demande encore pour la terre, que veux-tu ? (...) ». Sa réponse sera la même qui guida toute sa vie ; « Ce que je veux sainte Vierge, vous le savez, que la volonté de votre fils et la vôtre soit faite en moi. » C’est que cette mère céleste la préparait depuis longtemps à une mission particulière en cette Nouvelle-France : mission d’une âme qui allait être le paratonnerre de la colonie naissante, emprisonnant en elle, par permission de Dieu, toutes les forces du mal afin que celles-ci ne nuisent en rien au développement de ce pays selon le plan de Dieu.
À son arrivée dans ce qu’elle appelle « son Petit Paradis de Québec », la cité existe depuis seulement 40 ans et ne compte « pas plus de 500 âmes ». (Hudon, p.40) Dans le livre « Vie de Marie-Catherine de Saint-Augustin, une fleur mystique en Nouvelle-France », l’auteur esquisse un portrait de la situation de la colonie à ce moment-là : « Champlain et les rois de France, en fondant Québec, avaient rêvé d’en faire la capitale d’une France nouvelle, porte-lumière de Jésus-Christ dans le Nouveau Monde. Après quarante ans, Québec n’était encore qu’un pauvre bourg, chef-lieu d’une colonie naissante, au territoire plus vaste que l’Europe, il est vrai, mais peuplé par moins de deux mille Français disséminés à Québec, à Trois-Rivières, à Montréal, dans les missions et au sein des tribus sauvages. (…) ». (Hudon, p.40-41)
Sa mission au « pays des croix », comme on nommait aussi parfois le Canada en raison des conditions de vie exigeantes, débuta ce jour du 19 août 1648. Clin d’œil particulier de la providence, cette date du 19 août allait être dans le futur celle où on célébrera la fête de saint Jean Eudes, mort le 19 août 1680. Il fût toutefois canonisé seulement en 1925, le 31 mai, date du départ de Catherine du port de La Rochelle.
Ce clin d’œil rappelle l’importance et l’influence qu’a eu Jean Eudes dans la vie de Catherine de Saint-Augustin dès son enfance. En effet, c’est au cours d’une mission qu’il prêcha à Saint-Sauveur-le-Vicomte (sa ville natale) qu’elle le rencontra. L’enseignement de Jean Eudes permis de renforcir et d’approfondir chez la petite Catherine la dévotion mariale déjà présente en son cœur d’enfant. Il répandait en France une dévotion en particulier qui lui était chère : la dévotion au Cœur de Marie. La petite Catherine l’adopta alors à son tour et la propagea ensuite en Nouvelle-France. Voilà le lien entre ces 2 êtres dont la vocation fût bien différente, mais qui se rejoignent dans leur amour profond pour Marie.
Témoignages entourant son arrivée au pays
Les témoignages de ceux qui l’ont accueilli ou rencontré sur le chemin du voyage attestent du rayonnement de ses vertus qui opérait déjà dès les débuts.
Un des plus éloquent est celui de la Révérende Mère Marie de saint Bonaventure de Jésus, supérieure en place à ce moment.
« Nous jugeâmes de la première entrevue, dit celle-ci, dans la lettre circulaire qu’elle écrivit d’elle après sa mort, que c'était un précieux trésor pour cette Maison; son extérieur avait un charme le plus attirant & le plus gagnant du monde: Il n'était pas possible de la voir & de ne la pas aimer: son naturel était des plus accomplis que l'on eût pût souhaiter; elle était prudente avec simplicité, clairvoyante sans curiosité; douce & débonnaire sans flatterie; invincible dans sa patience, infatigable en sa charité, aimable à tout le monde, sans attache à qui que ce soit; humble sans aucun bassesse de cœur, courageuse sans qu'il y eut rien de fier en elle. Nous savions qu'elle n'épargnait aucunes peines dans les occasions de gagner une âme à notre Seigneur, soit par ses prières, soit par ses mortifications; jusqu’à s'être abandonnée pour ce sujet à la divine Justice en qualité de victime, qui ne l'a pas épargnée, & qui lui a fait sentir la pesanteur de son bras, punissant terriblement en elle les péchés de ceux pour lesquels elle se sacrifiait: Nous savons que ses infirmités corporelles étaient grandes & continuelles, & nous voyions qu'elle les supportait saintement, & toujours d'un visage égal, répandant une joie pleine de piété dans le cœur de ceux qui la voyaient. »[1]
Le Père Paul Ragueneau, auteur de la biographie, ajoute à cela : « Ce témoignage est d'autant plus considérable, que celle qui le rend, a vécu 20 ans avec elle; qu'elle a été 14 ans sa Supérieure, qu'elle la reçut à son arrivée à Québec, & qu'elle lui ferma les yeux, lorsqu'elle mourut. »[2]
Un lys transplanté dans un jardin de sainteté
Partout où elle est passé durant son voyage vers Québec, elle laissa la douce odeur de la sainteté. Toutes les personnes rencontrées, de Bayeux à Québec en passant par la Bretagne, en ont gardé un souvenir édifiant. Mais c’est la communauté de Québec qui, tel un jardin déjà fleuri de hautes vertus et de voies de sainteté, se trouva digne d’accueillir ce nouveau et si pur lys qui allait s’épanouir au pays des lys, la Nouvelle-France.
Peu de temps après son arrivée, la jeune Catherine n’écrivait-elle pas elle-même ainsi à sa supérieure de Bayeux : « Nous sommes enfin arrivées en la terre tant souhaitée: Nous n'y sommes pas venus sans peine. Il a fallu livrer de rudes combats pour quitter la France, souffrir de violentes tempêtes sur la Mer pour arriver dans ce petit Paradis de Québec, où maintenant tout est changé en contentement. Je vous dirai, ma chère Mère, qu'il est vrai que j'ai quitté une Maison de sainteté, mais que j'en ai trouvé une autre au bout du monde qui ne lui cède en rien: C'est un même esprit, etc. »[3]
Nous pourrions conclure avec les mots de Ragueneau, résumant ce que furent les débuts de Marie-Catherine de Saint-Augustin au Canada.
« Notre Catherine trouva en Canada des cœurs de charité en toutes les Mères, qui la reçurent avec des tendresses inexplicables; & leurs cœurs furent sitôt unis, que toutes les lettres qu'elles écrivaient toutes les années en France, répandaient une douce odeur de la sainteté des unes et des autres. »[4]
Geneviève Bernier
[1]Ragueneau, Vie de la Mère Catherine de Saint-Augustin, p.42
[2] Idem
[3] Idem p. 44
[4] Idem p.43
Voir toutes les nouvelles