25 septembre 1662 : Le Ciel donne à Catherine le P. Jean de Brébeuf pour directeur spirituel céleste
Dans l’église historique (1803) du Monastère de l’Hôtel-Dieu de Québec se trouvent les reliques de Catherine de Saint-Augustin et de Jean de Brébeuf côte à côte. Le lien qui unissait l’âme de ces 2 protecteur et protectrice du Canada fût connu au grand jour dès la parution de la biographie de Catherine par son directeur spirituel, le Père Paul Ragueneau, en 1671, soit 3 ans à peine après le décès de celle-ci.
Il fût dès ce moment connu que le Père Jean de Brébeuf, qui n’avait pourtant jamais connu Catherine de son vivant, avait été pour elle d’un puissant soutien du haut du ciel, lui servant de « Directeur et Conducteur, dans un chemin si difficile et si dangereux, par où la divine Providence la voulait conduire à une haute sainteté. »
Voici donc, à travers quelques extraits, ce que disait le Père Ragueneau dans La Vie de Mère Catherine de Saint-Augustin à propos de ce lien surnaturel entre ces 2 grandes âmes.
« Le Père Jean de Brebeuf Jésuite, natif de la ville de Bayeux, avait mené une vie Apostolique dans le Canada, où il avait porté la Foy de JESUS-CHRIST dès l'année 1625 principalement dans le pays des Hurons; & après y avoir fait plus de sept mille Chrétiens, & une Église vraiment animée de l'Esprit de Dieu, au milieu de la Barbarie: Il fut pris par les Iroquois ennemis de la Foy, l'année 1649 avec le Père Gabriel l'Alement, lors qu'ils étaient actuellement à confesser, à baptiser & à encourager leur troupeau. Ensuite ils furent dépouillés tout nus, chargés de bastonnades; & on leur appliqua des flambeaux ardents par tout le corps; on leur pendit au col des haches toutes rouges de feu; on leur en mit sous les aisselles; & ces Barbares en dérision du saint Baptême, leur versèrent des Chaudières d'eau bouillante sur leurs têtes, & sur leurs corps tout déchirés; ils coupèrent le nez & les lèvres du Père de Brebeuf, & ils lui brûlèrent la langue, lui mettant des charbons de feu dans la bouche, étant furieusement animés contre lui, de ce qu'il portait les Chrétiens Hurons à recourir à Dieu dans leur martyre, & voulant l'empêcher de parler de Dieu. Enfin ils le mangèrent tout vif, lui ayant enlevé de grands morceaux de chair, qu'ils dévorèrent devant ses yeux à demi rôtie. Cet homme de Dieu brûlé ainsi à petit feu l'espace de trois heures, ne jeta jamais aucun soupir; il avait toujours les yeux au Ciel, & invoquait sans cesse le saint nom de JESUS, avec autant de douceur & de paix, que s'il eût été dans son Oratoire faisant son Oraison. Ce fut le 16. Mars 1649.
Sa Vie n'avait pas été moins sainte que sa mort; car il possédait dans une éminent degré toutes les vertus qui font les Saints; l'humilité, la patience, la douceur, la charité, & une mortification continuelle, dans la vie du monde la plus austère. Il était toujours uni à Dieu, qui le favorisait d'un don d'Oraison très-sublime, & de beaucoup d'autres grâces gratuites que l'on admire dans les grands Saints.
Nôtre Seigneur s'était souvent apparu à lui; quelquefois en état de gloire, mais d'ordinaire portant sa croix, ou y étant attaché. Cette vue imprimait dans son cœur des désirs si ardents de tout endurer pour son Nom que quoi qu'il eût déjà beaucoup souffert en mille occasions, des peines, des fatigues, des persécutions & des douleurs étranges, il comptait tout cela pour peu de chose, & se plaignait toujours de qu'il ne souffrait rien, & que Dieu ne le trouvait pas digne de lui faire porter la poindre partie de sa croix.
Notre-Dame lui était aussi très-souvent apparue, qui d'ordinaire laissait en son âme des désirs très-violents de souffrir, mêlés cependant d'une suavité si sainte, & d'une telle soumission aux volontés de Dieu, que son esprit en demeurait ensuite dans une paix profonde, & dans un sentiment fort élevé des grandeurs de Dieu, l'espace de plusieurs jours.
Saint Joseph, les Anges & plusieurs Saints du Paradis, s'étaient souvent fait voir à lui; souvent Dieu lui avait donné la grâce de pénétrer dans le fond des cœurs, & d'y voir l'état intérieur des consciences, ou pour les dons de Dieu qui y étaient répandus, ou pour les pêchés les plus cachés, & que qui que ce soit au monde ne pouvait savoir.
Nôtre Seigneur lui avait révélé très-souvent les choses futures; & quelquefois il lui faisait connaitre les bontés toutes particulières & toutes amoureuses qu'il avait pour ceux qui s'abandonnaient eux-mêmes, & tous leurs intérêts, pour le salut des Ames: & lui avait fait voir la place qu'il leur réservait dans le Ciel pour une éternité.
Plusieurs années avant sa mort il avait fait vœu de faire en toutes choses ce qu'il connaîtrait être à la plus grande gloire de Dieu.
Ce fut à ce grand serviteur de Dieu, à ce grand Homme Apostolique, à ce premier Apôtre des Hurons, que JESUS-CHRIST confia le soin de sa fidèle servante & épouse, pour la protéger puissamment contre toutes les attaques & embûches des démons, & afin de lui servir de Directeur & Conducteur, dans un chemin si difficile & si dangereux, par où la divine Providence voulait conduire à une haute sainteté. Elle ne l'avait jamais vu ni connu durant sa vie; mais étant arrivée à Québec l'année 1648. le Père de Brebeuf qui était aux Hurons, trois cent lieues plus loin dans les terres, y fut martyrisé l'année suivante; & la nouvelle en ayant été apportée à Québec, dés-lors cette heureuse fille fut touchée d'une sis sainte mort, le considéra comme un Martyr de JESUS-CHRIST, & le prit pour un de ses Protecteurs dans le Ciel; & depuis conserva toujours pour lui un respect & une dévotion toute particulière; dont ce bon Père la récompensa abondamment, lui ayant servi de Directeur jusqu'à la mort. Voici comme elle-même en a parlé dans son Journal.
Le 25. Septembre 1662. Après la Communion, je pensai avoir vu devant moi le R.P. de Brebeuf tout brillant de lumière, portant une couronne éclatante de gloire, & à l'endroit du cœur une Colombe blanche comme neige, qui marquait la douceur & la mansuétude, qui avait paru en ce serviteur de Dieu pendant sa vie. Cette colombe portait écrit sur les grandes plumes de ses ailes; les sept Dons du saint Esprit, & les huit Béatitudes. D'une main il tenait une palme, & de l'autre il montrait cette susdite Colombe. Il était revêtu d'une Aube, & par-dessus il avait une Étole de broderie d'or & de perles très-blanches, & me paraissait toute environné de rayons. Il me semblait néanmoins être comme triste dans cet état de gloire. Et il dit : Qui aura pitié de moi? Qui est-ce qui me soulagera ? Je ne lui voulus rien dire, mais j'adressai la réponse à la très-sainte Vierge. Et alors il me dit: Que sa peine était de voir qu'un pays pour lequel il avait tant travaillé, & où il avait donné son sang, fût maintenant une terre d'abomination & d'impiété: & s'adressant à moi en particulier, il me dit: Sœur de saint Augustin! nous porterez-vous compassion? Aidez-nous je vous en prie? Comme je continuai à m'adresser à la sainte Vierge pour répondre; il me dit: dites ceci à vôtre Confesseur, & faites ce qu'il vous dira. Ne vous mettez pas en peine de raisons qui vous viennent au contraire. Comme il parlait, je sentis approcher de moi plusieurs démons; mais je vis que le Père inclina un peu la tête vers le saint Sacrement, & à ce moment même ils s'enfuirent, & je ne les ressentis plus de tout le jour, jusqu'au soir qu'entrant dans nôtre chambre, je vis deux rangs de Spectres & de Monstres, qui se disaient l'un à l'autre, comme en raillant, place, place à la Sainte, elle est bien avancée, elle parle déjà aux Saints du Paradis; & en disant cela, ils me déchargèrent plusieurs coups. »[1] (traduit et corrigé à partir de l’ancien français)
Il est intéressant de noter que le P. de Brébeuf fut ainsi son directeur spirituel céleste durant les 6 dernières années de sa vie (1662 à 1668), alors même que le P. Paul Ragueneau lui-même avait dû retourner en France dans le même temps et ne pouvait donc plus veiller d’aussi près sur sa dirigée. Mais le Ciel avait pourvu à tout…
[1]Ragueneau, La Vie de la Mère Catherine de Saint-Augustin, Paris. 1671. p. 113-115
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